Coronavirus: Rôle du design pour l'entreprise

 

Coronavirus: Rôle du design pour l’entreprise - Article de Konbi® Blog du 29 février 2020

 

Par Konbi, 29 février 2020

En quoi le design thinking peut-il contribuer à aider les entreprises à s'adapter aux conséquences rapides et imprévues du Coronavirus?

L'épidémie de Coronavirus est un événement mondial soudain qui impose des changements comportementaux rapides à tous les échelons de la société. Car si les outils technologiques existent pour la diffusion de l'information et l'amélioration des modes de travail des salariés dans ce contexte imprévu, les solutions design, quand elles existent, ne semblent pas encore au point.

C'est pourquoi l'objet de cet article est d’observer les effets que l'épidémie mondiale de Coronavirus (COVID-19) a sur le fonctionnement de la société et des entreprises à ce stade de son développement et d'examiner à quel point cela pourrait accélérer des mouvements durables de transformation déjà en cours, issus de la Révolution de l’Information entrée dans sa 3ème phase, le Big Data.* Ce nouveau cycle de la Révolution de l’Information se fait en parallèle de l'avènement de l'Internet à haut débit, des réseaux sociaux planétaires et des smartphones ultra-dopés.


Quelle influence du Coronavirus sur les comportements des dirigeants d'entreprises et des consommateurs?

Pour tenter de répondre à cette question sous le prisme du design, nous tenterons d'entrevoir comment le design thinking combiné à la technologie peut contribuer à minimiser les effets négatifs immédiats de cette crise sanitaire mondiale, dans un contexte de réduction soudaine et potentiellement durable des mouvements des biens et des personnes.

Certaines des conséquences directes du Coronavirus se manifestent dès à présent par l'effet accélérateur qu'elles jouent en terme de changement comportemental, au niveau individuel, économique, social et politique. L'heure n'est certainement pas au bilan et encore moins à l'attribution de bons ou mauvais points selon la façon dont tel acteur institutionnel se comporte. La situation est inédite depuis la grippe espagnole et touche le monde entier de façon quasi simultanée. Une fois passé le stade pré-pandémique, pendant lequel il semblait si aisé de pointer du doigt les éventuelles responsabilités qu'auraient la Chine en Asie, l'Iran au Moyen-orient et l'Italie en Europe de ne pas avoir su freiner la propagation du Coronavirus, il n'est guère utile ni productif désormais d'entrer dans des querelles de responsabilités à propos d'un virus dont la forte contagiosité avérée rend toute politique de contrôle et de confinement extrêmement difficile. Rapidement et pour une durée indéterminée, chacun à son niveau est désormais obligé de remettre en cause son mode de fonctionnement quotidien.

Sur le long terme, il s'agira surtout pour les autorités publiques et sanitaires d'améliorer plus encore leurs méthodes de prévention, contrôle et traitement d'un futur virus du même type, ce à quoi l'Asie était à priori beaucoup mieux préparée que le reste du monde après qu'elle ait été frappée de plein fouet par le SRAS en 2003. C'est pourquoi nous allons commencer par traiter de l'utilité, de l'usage actuel et de l'évolution possible du design du masque chirurgical dans ce contexte inédit. Puis nous aborderons la question du rôle des outils de communication web et des réseaux sociaux dont les effets participent autant à la diffusion rapide d'informations utiles et précieuses qu'à la diffusion de rumeurs et de propos médiocres. Enfin, un sujet clé du monde de l'entreprise (particulièrement le secteur tertiaire), qui fut longtemps l'objet d'une défiance irraisonnée et qui s'impose à présent comme une des solutions évidentes à la préservation d'une bonne partie l'activité économique en 2020: le télé-travail.


Masques faciaux, utiles ou pas?

La communication qui a été faite à propos des masques de protection respiratoire ne brille pas par sa clarté. En dépit des nombreux messages de prévention officiels, qu'ils proviennent des autorités politiques ou sanitaires, il est difficile à ce jour de comprendre si les masques ont un rôle effectif de prévention autre que de diminuer (ou au contraire accélérer) les effets anxiogènes de l'épidémie en cours. Il semblerait que leur seul bénéfice réel pour un sujet sain résiderait dans ce qu'un masque chirurgical empêche de porter ses mains à la bouche ou au nez tant qu'il le porte, réduisant par là même les risques de contamination. Pour un sujet porteur du Coronavirus, il réduirait sa capacité d’être un vecteur de transmission du virus pour les autres.

"Cricklewood is ready" - Photographie par Steve Bowbrick, 14 février 2020, Grande Bretagne (Source, Licence)

Mais ce qui est surtout frappant, c'est de constater que de la Chine à Hong Kong, en passant par le Japon, la Corée du Sud et Singapour, les pays asiatiques ont adopté naturellement le port d'un masque dans leurs comportement quotidiens et ce dès la fin du mois de janvier 2020, ce qui n'est pas le cas ailleurs dans le monde, qui il est vrai était alors peu touché, et même si les images provenant des zones actuellement en quarantaine en Italie démontrent là aussi que les habitudes peuvent évoluer aussi vite que l'épidémie progresse. Par ailleurs, au vu des pénuries actuelles de masques anti-projection qui ont pour effet d'augmenter fortement leurs prix et d'occasionner la création d'un marché noir parallèle sur Internet, la question de savoir comment mettre un masque, en dépit de son importance, n'est pas d'actualité pour le moment pour beaucoup de personnes. C'est ainsi qu'en France par exemple, le gouvernement dit avoir constitué des stocks importants mais réserve leur utilisation au seul personnel hospitalier.

Sur la question du design des masques anti-projection destinés à l'usage du grand public, et dans la perspective d'une prochaine épidémie équivalente à COVID-19, il sera peut-être bon que les fabricants de masque sanitaire se penchent sur la question du design de leur produit. Une fois que le masque est extrait de son emballage, aucune indication graphique ou textuelle n'est présente sur le produit lui-même, et rien ne permet, dans son design actuel et sous ses différentes variantes, d'en comprendre la pose sur le visage. Que ce soit sur la façon dont il doit être accroché que le sens dans lequel il doit être mis, ou encore sa durée de validité, rien n'est évident. La couleur bleue du recto et la couleur blanche du verso ne sont intuitives pour personne, à part bien sûr pour les professionnels de santé qui compensent les défauts ergonomiques de prise en main du produit par un usage régulier de celui-ci dans le cadre de leur profession. Nous sommes ici typiquement en présence du cas de figure d'un produit initialement pensé pour un usage exclusivement professionnel (chirurgiens, personnel de bloc opératoire) et qui devient soudainement un objet de grande consommation, avant même d'avoir pu bénéficier de l'expertise d'équipes de designers dont le métier est de faciliter l'usage des produits du quotidien.

Concernant les masques faciaux, des designers produit et des designers graphiques, associés à l'expertise de professionnels de la santé, travailleront très certainement dans les mois qui viennent à la création de nouveaux prototypes ce masque de protection respiratoire, en prévision de futures situations équivalentes à la crise actuelle.


Fluidification des échanges grâce à Internet

Un des effets indirects positifs du Coronavirus concerne l'accélération des échanges web entre les scientifiques qui travaillent au séquençage, à la compréhension et à la recherche d'un vaccin pour COVID-19. Sur ce sujet, nous vous invitons à lire l'article du journal Science (en anglais): ‘A completely new culture of doing research.’ Coronavirus outbreak changes how scientists communicate ("Une toute nouvelle culture de la recherche." L'épidémie de Coronavirus change la façon dont les scientifiques communiquent). 

Image au microscope à balayage électronique du Novel Coronavirus SARS-CoV-2 (COVID-19, en orange sur ce cliché), par NIAID , (Source, Licence)

Note de l’auteur: L'amélioration des techniques d'imagerie médicale, souvent combinées à l'impression 3D, sont elles aussi un facteur de progrès important pour la communauté scientifique, qui dispose de nouveaux outils toujours plus performants et rapides pour leurs travaux de recherche.

Les réseaux sociaux, au premier rang desquels Facebook et Twitter, jouent bien entendu un rôle amplificateur très important dans l'observation de la crise actuelle et l'évolution en cours des comportements. Ils sont une des premières sources d'information de ceux qui veulent s'informer sur le Coronavirus et participent de fait, aussi bien à la diffusion de messages utiles de prévention et d'information que des théories les plus fantaisistes sur les origines et les conséquences de COVID-19. Malheureusement, tant que les réseaux sociaux resteront le vecteur principal de recherche d'information pour les internautes, les médias auront du mal, dans un environnement anarchique, à se positionner de nouveau comme les principales sources d'information crédibles et vérifiées. La décision par Facebook, Twitter et consorts (en l'occurrence une décision consciente d’absence de design) de ne pas traiter sérieusement le phénomène des fake-news pour ne pas avoir à remettre en cause leur modèle commercial extrêmement rentable, n’est pas prêt de faire évoluer la situation dans le bon sens. Il suffirait en effet, bien plus que de censurer à tout prix ou de modifier les algorithmes d'affichage des posts selon des degrés de crédibilité pré-établis et toujours sujets à interprétation, d'implémenter des solutions design clairement visibles pour l'utilisateur, similaires à la pastille bleue qui identifie les comptes officiels des marques et des célébrités, ce qui permettrait à chacun de faire le tri de ce qu'il souhaite continuer à voir défiler sur son wall ou pas.

L'augmentation des flux d'information et de leur exploitation à des fins commerciales, souvent sans aucune transparence pour le consommateur et en absence de toute réflexion éthique préalable, participe à une tendance globale sur Internet qui n'a pas de corrélation avec l'émergence du Coronavirus. Cependant, il semble bien que COVID-19 accélère là aussi les effets positifs comme négatifs de notre mode de vie ultra-connecté et mondialisé. La Chine semble, en parallèle de sa lutte acharnée pour arrêter la progression de l’épidémie dans l’empire du Milieu, développer et tester des outils technologiques de contrôle aussi élaborés qu’ils portent en eux la promesse d’un avenir dystopien où la technologie asservit totalement des hommes, faisant même penser que Blade Runner est un film d’histoire et non de SF.

Parmi ces innovations chinoises qui allient design et technologie dans un but de contrôle et de surveillance:

  • Utilisation de drones pour contrôler les zones soumises à quarantaine et avertir les passants, à l’aide de haut-parleurs fixés dessus, de ne pas rester dans la rue,

  • Ajout de détecteurs de température aux casques de police,

  • Optimisation des IA de reconnaissance faciale qui peuvent désormais faire une identification des personnes portant un masque chirurgical ou autre.


Télé-travail, la solution miracle pour les entreprises?

"Working from home" - Photographie par Shannon McGee (Source, Licence)

Si certains salariés en rêvent depuis leur premier stage, d'autres s'en méfient de peur de se retrouver isolés de leurs collègues et éloignés des centres de décision de leur entreprise. Le télé-travail n'est effectivement pas à première vue un facteur de liant social pour l'entreprise. Pourtant, au vu de l'évolution de ces trente dernières années, surtout dans les PME et les grandes entreprises, qui tend à favoriser et récompenser l'exploit individuel aux dépends de l'effort collectif, travailler de chez soi semble être une évolution naturelle qui aurait déjà du faire consensus pour la majorité des entreprises, en particulier dans le domaine tertiaire et pour les cadres.

Mais pour cela, il fallait qu'un facteur suffisamment puissant vienne balayer le principal frein à la généralisation du télé-travail partout où dominent les open-spaces; la croyance infondée qu'un salarié non accessible en permanence par sa hiérarchie ou ses collègues est nécessairement moins productif. Alors que des études sérieuses ces dernières années remettent enfin en question un mode d'organisation interne qui semble parfois plus reposer sur la surveillance et la méfiance mutuelle, particulièrement lorsque l'entreprise traverse une crise interne (baisse du carnet de commande, baisse du chiffre d'affaires, changement managérial, plan de licenciement), il aura suffit d'une crise sanitaire exceptionnelle pour donner enfin au télé-travail les lettres de noblesse qu’il mérite.

Il est d'autant plus étonnant de constater qu'il ait fallu attendre le Coronavirus pour que ce changement dans la culture d'entreprise ait lieu, puisque les outils technologiques qui permettent de travailler efficacement de chez soi existent depuis longtemps et sont déjà le lot quotidien de tous les freelances et micro-entrepreneurs qui travaillent chez eux depuis parfois plus de vingt ans. Les réunions téléphoniques ou par visioconférence sont, en plus des mails, des façons simples et peu coûteuses de continuer à participer pleinement à la vie de son entreprise, sans oublier le temps gagné par l'économie du temps de trajet quotidien. Parmi les articles qui abordent la façon dont les entreprises tentent de limiter la diminution de leur activité en trouvant des solutions de travail à distance pour leurs employés, vous pouvez lire cet article du New York Times du 26 février 2020 (en anglais): 1,000 Workers, Go Home: Companies Act to Ward Off Coronavirus ("1000 travailleurs, rentrez-chez vous: Les entreprisses agissent pour tenir le Coronavirus à distance"). Pour découvrir les conséquences de la crise du Coronavirus sur le marché du travail chinois qui expérimente à grande échelle le travail à distance, nous vous conseillons la lecture de cet article de Inkstone du 28 février 2020 (en anglais): Bad mood, long hours, crying babies: China’s crash course on remote work (“Mauvaise humeur, longues heures, bébés qui pleurent: cours intensif en Chine sur le travail à distance“).

* Big Data: ou comment l’utilisation d’algorithmes appelés IA (pour Intelligence Artificielle) associés à une grande puissance de calcul permettent de traiter une masse gigantesque d’information pour en extraire (“apprentissage”) les similarités et les différences, afin d’être en mesure d’identifier le lien entre un nouveau flux d’information (texte, image, vidéo) reçu, la base de donnée existante et les interprétations que le programmeur avait préalablement attaché à chaque signifiant attendu.