Éloge de la lenteur • Interview de Claire Brun

 

Claire Brun (photo : Constance Kistner)

Claire Brun a étudié les arts appliqués à l’école Duperré. Styliste à Milan pendant quelques années, Claire se consacre aujourd’hui à l’écriture et l’illustration de livres pour enfants. Après Une Histoire de George, (Hélium / Actes Sud) publié en 2013, et à l’occasion de la publication par le même éditeur de son nouvel ouvrage Rosalie, la petite poule qui rêvait de s’envoler, Konbi blog a rencontré Claire sur les bords du canal de l'Ourcq à Paris.


Comment travailles-tu ?

Je dessine chez moi, avec des feutres et un stylo plume. Je dessine, j'écris, ou les deux en même temps. J’anime aussi des ateliers pour les enfants dans les écoles.


De quelle façon abordes-tu le dessin avec les enfants ? Sont-ils naïfs dans leur rapport à l’illustration ?

J'adore la naïveté. C'est le côté scolaire qui peut m'ennuyer. J'essaye de semer une petite graine de fantaisie et de liberté dans leurs dessins. La graine pousse aujourd'hui ou poussera un jour. Je ne travaille pas beaucoup sur la technique, par contre j’essaie de déstructurer le mode de représentation dans lequel ils peuvent se conformer. Nous faisons des choses plus abstraites, des motifs, de la typographie, des dessins géométriques (sans règle ni compas !) pour éviter le soleil en haut, l’herbe en bas. Je leur montre aussi mon travail, et des livres qui m'inspirent, des illustrateurs ou des artistes qu'ils ne connaissent pas.


Tu es illustratrice et auteur. Pour les textes comme pour les dessins, parce que ton travail est destiné à des enfants, y-a-t-il des choses que tu t’interdis, et à contrario des thèmes, des motifs, que tu cultives ?

J’écris et je travaille avant tout pour moi, je me fais plaisir. Je n’ai pas l’impression de m’interdire quoique ce soit. Ce sont des choix esthétiques qui me guident. Et assez naturellement mon travail s'adresse aux enfants. Je préfère me promener vers des champs absurdes, décalés, poétiques, plutôt que dans le quotidien ou la réalité.


Quelles sont tes sources d’inspirations, les lieux de ton imaginaire ?

Les librairies m'inspirent beaucoup, je flâne et je découvre plein d'images qui me donnent de nouvelles envies. Du coup j'ai aussi une belle bibliothèque où chercher de l'inspiration. Ce sont des livres qui m'ont donné envie d'en écrire ! C'est tout d'abord L'histoire de l'art de Paul Cox, un conte génial, qui m'a donné envie d'écrire Une histoire de George. Ensuite c'est une ancienne édition de Baba Yaga, illustré par Nathalie Parain, qui m'a inspiré Rosalie. Même si leurs histoires n'ont pas grand chose à voir, ceux qui connaissent ce livre reconnaîtront peut-être les indices qui se promènent ici et là dans Rosalie.


Quel a été ton parcours dans l’illustration avant Une histoire de George ?

J’ai beaucoup dessiné de petites fleurs pour un styliste à Milan (j'ai une formation de styliste au départ). Je devais trouver un geste très rapide, simple et efficace, qu'une femme reproduisait ensuite au pinceau sur des kilomètres de soie. J'ai ensuite continué à faire de l'illustration textile à Paris, et ça a été un véritable laboratoire. Mais la mode a un rythme qui ne me convient pas. J'avais envie de prendre le temps d'écrire, de me poser dans une histoire. J'aime la lenteur. Je refais souvent dix fois le même dessin.


Comment as-tu rencontré ton éditeur ?

Au salon du livre de Montreuil, je l’ai montré à plusieurs éditeurs que j’ai eu la chance de rencontrer. J'avais écrit et dessiné Une histoire de George, réalisé une petite maquette, et je suis allée la présenter à quelques éditeurs dont j'aime le travail. Et grâce à Delphine la sardine qui tenait le stand d' Hélium et à qui j'ai montré George, il a été publié quelques mois plus tard. Je ne m'attendais pas à une réponse aussi rapide.


Raconte-nous en quelques mots l’histoire de Rosalie, la petite poule qui rêvait de s’envoler ?

C’est donc l’histoire d’une petite poule qui rêve de s’envoler. Elle va rencontrer une oie sauvage,  qui lui parle de ses voyages, une pie, qui vole, bien sûr, et un vers à soie peut-être un peu magique, qui brode un joli jardin. Rosalie chantonne l’air de rien, et cet air s’envole et tourbillonne tout au long du livre. Elle ne va pas vraiment faire exprès mais elle va peut-être arriver à s'envoler, sait-on jamais. C'est l'histoire de ne pas faire exprès, de broder, de chantonner l'air de rien, et d'y arriver quand même.


Comment décris-tu l’évolution du style de tes dessins de George à Rosalie ?

J'aime bien prendre des partis pris bien définis à chaque livre. Comme les règles d'un jeu. Dans George, plein de détails alternent de façon aléatoire : le noir et blanc et la couleur, un cadre avec pictogrammes ou pas, l'encombrement de la page ou le blanc. Et le rythme de l'histoire est assez soutenu. Dans Rosalie, j'avais envie d'une histoire plus linéaire, plus lente, et de ne dessiner qu'avec trois couleurs.


Quelles sont tes influences, ce qui t’a inspiré ?

J'ai déjà parlé de Paul Cox, de Nathalie Parain (éditions Memo), en vrac trois livres qui m'inspirent énormément : le Cox Codex, sur le travail de Paul Cox, une monographie magnifique de Libuse Niklova (designer tchèque de jouets pour enfants dans les années 60), et Autres maîtres de l'Inde, le livre d'une exposition au Musée du quai Branly sur l'art populaire indien.


Tu as un compte sur Pinterest. Pour toi, est-ce un outil de documentation ou plutôt un outil de partage ?

Je l’utilise uniquement comme une bibliothèque. Je ne m'occupe pas trop de ce qui se partage.


Travailles-tu à une nouvelle histoire, que peux-tu nous en dire ?

C'est une histoire que je cherche encore, qui se déroule dans un paysage, qui s'inspire beaucoup des cartes géographiques dont j'adore le graphisme. Je fais plein de recherches pour créer des motifs de champs de fleurs, d'autoroutes, de villages, de foules. Il sera plein de petits détails minuscules.


Où peut-on trouver Rosalie ?

Dans toutes les bonnes librairies ! Très bientôt, le 12 avril, je fais un atelier dédicace à la librairie photographique, 29 rue des Récollets à Paris.

Il y a aussi une exposition à la manufacture parisienne, 93 rue Marcadet, à Paris, à partir de 9 avril. Avec des ateliers, pour enfants mais pas seulement, l'exposition et la vente d'originaux et plein de jolies choses.